ENTRETIEN AVEC GIANNIS GLARNETATZIS : « AUSCHWITZ, C’ÉTAIT LA FIN, MAIS C’EST ICI QUE L’HISTOIRE A COMMENCÉ »

Quelle est l’histoire des Juifs de Thessalonique et quels sont les lieux qui nous racontent aujourd'hui ce qui s’est passé pendant la Shoah ? L’histoire de la ville, destinée à devenir « grecque » et « chrétienne » suite à son rattachement à la Grèce, a largement contribué à l’ampleur de l’extermination des Juifs de Thessalonique au cours de la Seconde Guerre mondiale, dont les séquelles sont encore visibles dans la société actuelle. Radio Symbiosis  s’est entretenue avec Giannis Glarnetatzis, historien et guide de la Marche de la mémoire de la Shoah organisée par l’Initiative antiraciste de Thessalonique. [Écoutez le podcast complet en grec ci-dessous]

Giannis Glarnetatzis. Crédit photographique : Antonis Gazakis.

Giannis Glarnetatzis. Crédit photographique : Antonis Gazakis.

Antonis Gazakis (AG) : Giannis, dîtes-nous quelques mots sur l’idée de la marche de la mémoire de l’Holocauste à Thessalonique.

Giannis Glarnetatzis (GG) : C’était la quatrième fois que nous réalisions cette marche guidée. C’est avec l’Initiative antiraciste de Thessalonique que nous avons réalisé cette marche pour la première fois en 2013, sur ma propre initiative, car j'organise habituellement des visites historiques de la ville. Tout a commencé avec les élections de 2012 : avant cette date, on pouvait penser que le racisme ou l’antisémitisme était un phénomène marginal en Grèce, chose que l’on ne peut plus dire aujourd’hui. Nous avons un parti politique ouvertement nazi qui s'est imposé comme la troisième force au Parlement avec 6-7 % des voix. Nous ne pouvons plus nous permettre de mener la politique de l’autruche. Nous pouvions jusqu’alors, en tant que société   et je ne parle pas de nous bien sûr, qui avons suivi ce phénomène depuis de nombreuses années  , nous voiler la face et dire que « les choses ne vont pas si mal », « ne fouillons pas davantage ». Lorsque nous avons vu que ce phénomène s'affichait si largement   l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie ne sont pas l'apanage des électeurs d'Aube dorée, et le nombre de personnes clairement positionnées en ce sens est si important que ses scores devraient être bien plus élevés  , nous avons commencé à essayer de mieux comprendre ce qui s'était passé à cette époque.

Il va de soi qu’une marche guidée de trois heures ne permet pas d'appréhender l’histoire de la Shoah, mais cela n’est pas notre objectif. L’objectif est d’éveiller la curiosité des participants, de leur donner une idée et une appréciation de l’aspect local du phénomène, de tous les incidents qui se sont déroulés ici, et pas seulement à Auschwitz, que la plupart d’entre nous connaissons au travers de films et de documentaires.

« Auschwitz, c’était la fin, mais c’est ici que l’histoire a commencé. Ici ,  les gens ont été concentrés dans le ghetto, ici , ils ont été arrêtés, torturés et embarqués dans les trains vers Auschwitz ».

Nous essayons donc de nous faire une idée des lieux qui existent encore aujourd’hui, ainsi que d’autres qui ont disparu. Par exemple, juste après l'ancienne gare centrale, notre point de départ, nous nous dirigeons vers les rues Voutiras et Sapfous, là où se trouvait le quartier du baron Hirsh. Ce qui avait été à l’origine une zone d’accueil pour les réfugiés juifs des pogroms de la Russie tzariste et du pogrom de Corfou de 1891 s’est convertie en zone d’habitation pour la population juive pauvre, avant d’être utilisée en 1943 comme camp de transit face à la gare avant leur déportation en train. Il ne reste rien de tout cela ici, même si les rues portent le même nom qu’à l’époque. Un peu plus loin, nous entrons dans le quartier Bara.

AG : Même si l’on n’observe plus aucune trace de la présence juive, les quartiers inclus dans le parcours de la marche maintiennent leurs spécificités sociales. Les alentours de la rue Voutira sont encore peuplés de familles de Rroms pauvres, et dans le quartier Bara, entre les rues Langada et Monastiriou, des maisons closes opéraient jusqu’à une époque récente ; bien que proche du centre-ville, ce quartier reste assez défavorisé. Comme vous nous l'avez dit au cours de la marche, ces secteurs étaient déjà déshérités à l'époque, et ce sont les populations juives les plus pauvres qui y résidaient. Lorsque nous nous rapprochons du centre-ville, de quelle manière la présence des Juifs et de tout ce qui s’est passé se reflètent-t-elles ? Existe-t-il des indices de la présence de populations juives, du ghetto ou de quoi que ce soit de notable ?

GG : Malheureusement, les signes y sont très peu nombreux, signes que quelqu’un aurait bien du mal à remarquer, mais cet aspect fait partie intégrante de la marche guidée. Le principal témoignage reste la synagogue des Monasteriotes, la seule synagogue d’avant-guerre à être parvenue jusqu’à nous. Sur les quelques 40 synagogues de Thessalonique, peu ont été détruites pendant l’Occupation, comme ce fut le cas de celle de Beth Paul, la plus vaste de la ville. La plupart sont entrées en déclin juste après l’Occupation, en raison d’une population juive insuffisante pour assurer leur conservation. Beaucoup ont été vendues ; certaines ont été annexées et démolies, tandis que d’autres ont été laissées à l’abandon.

La seule à être restée sur pied est la synagogue des Monasteriotes, construite en 1926. La disparation de nombreux témoignages n’est pas uniquement tributaire de l’extermination des Juifs pendant l’Occupation. La destruction s’est poursuivie après la guerre, dirigée cette fois davantage contre la culture et l'histoire des Juifs plutôt que contre les personnes elles-mêmes. De nombreux éléments architecturaux ont été détruits, y compris le cimetière juif.

Le mémorial de la Shoah sur la place de la Liberté donne quelques informations, mais il est très récent, à l’instar de l’hommage de la ville à la mémoire de la Shoah. N’oublions pas que ce monument a été d’abord érigé en 1997 sur la place des Martyrs juifs, une zone bien moins centrale, puis transféré à son emplacement actuel en 2004. Il n’y a donc que peu de traces visibles ; nous devons rechercher dans les livres et les ressources en ligne pour trouver des photographies et des lieux liés à la présence juive.

AG : De quelle manière, et jusqu’à quel point, Thessalonique (c’est à dire les autorités et la population en majorité chrétienne) garde-t-elle en mémoire l’histoire de la déportation des Juifs à Auschwitz, ainsi que leur présence dans la ville depuis sa fondation au 4ème siècle av. J.-C ?

La synagogue des Monasteriotes à Thessalonique. Crédit photographique : Antonis Gazakis.

La synagogue des Monasteriotes à Thessalonique. Crédit photographique : Antonis Gazakis.

GG : Cette question a beaucoup à voir avec l’histoire de la ville, et la manière dont elle a été perçue par l’administration grecque : notamment parce que Thessalonique « devait » devenir « grecque », l’autorité du gouvernement grec devait également puiser sa légitimité dans l’histoire de la ville. Et c’est la raison pour laquelle, depuis le moment où Thessalonique a été rattachée à l'autorité de l'État grec [La ville était sous administration de l’Empire Ottoman jusqu’en 1912], l’accent a été mis sur sa période byzantine   ce qui était par ailleurs important et devrait être divulgué ; tandis que pour la même raison, les minarets de la ville ont été détruits dans les années 1920, suite à la publication d’un décret officiel. Les résidents musulmans étaient déjà partis en 1924, en vertu d’un accord d’échange de populations.  

« Depuis le début, il y a eu une volonté de minimiser, sinon de faire disparaître, toute trace d’autres cultures, ethnicités, et religions, afin de faire valoir l’héritage « chrétien-grec » de Thessalonique »

Cela a été particulièrement flagrant au cours des décennies qui ont suivi la guerre civile [1946-1949] : dans l’« état d’urgence » qui régnait en Grèce, et notamment à Thessalonique, ce modèle de nationalisme à outrance s’est reproduit. Dans ce cadre, les autres ethnicités, les autres religions, ou « les autres » en général, ont été bannis de l’histoire de Thessalonique, ou restreints à un rôle mineur. Cela a laissé des traces profondes.

Je pense que cela a légèrement évolué dans les années 1990, mais nous avons encore du chemin à parcourir pour développer le concept de compréhension de notre passé. N’oublions pas qu’il y a quelques années, les autorités municipales alors en place avaient rejeté la participation de Thessalonique au réseau des villes martyres, car selon elles, les Juifs n'étaient pas considérés comme citoyens et que la Shoah n’avait pas eu lieu dans la ville ! Encore plus récemment, sous le couvert de prétextes absurdes, des tentatives de gommer la mémoire ont été lancées, et je pense qu’aujourd’hui la majorité des citoyens ne sont pas conscients des faits relatifs à la présence juive ici   ils ne connaissent que la Shoah, qui fait plus ou moins partie de la mémoire universelle. Nous nous trouvons face à une dynamique extrême de refoulement du savoir.

La question de la responsabilité se présente également : les nazis ont commis ces crimes, mais ils avaient des complices. Les personnes, ainsi que leurs collaborateurs, qui se sont emparées de propriétés appartenant à des Juifs, se sont enrichies à leur dépens, ne sont pas restées seulement impunies, mais, même dans les nombreux cas où elles ont été condamnées par le Tribunal spécial de la collaboration, elles ont été par la suite récompensées et intégrées dans l’appareil central étatique et paraétatique d’après-guerre. Toutes leurs actions ont par conséquent été profondément plongées dans l’oubli.

Si la ville et les habitants veulent prendre conscience de leur histoire, il conviendrait qu’ils entretiennent la mémoire de toutes les communautés qui ont vécu et vivent encore entre nos murs, comme c’est le cas des Juifs et des musulmans.

AG : Existe-t-il une volonté d’enfouir et d’oublier cette part du passé ? Pensez-vous que cela est le fruit de l'antisémitisme constant, visible ou latent, de la société locale ?

GG : Précisément. Il y a tant d’exemples qui témoignent de la spécificité de la communauté juive de Thessalonique, même après l’annexion de la ville par la Grèce. À cette époque, la communauté juive, aussi bien de par le nombre de ses représentants que son importance sociale et économique, était si puissante qu’elle ne pouvait pas être purement ignorée, même lorsqu’elle a cessé d’être la communauté la plus nombreuse de la ville [après les échanges de populations et l’arrivée des réfugiés grecs en provenance d’Asie mineure]. Il existait des différends opposant les populations grecques orthodoxes et juives depuis la période de domination ottomane, qui se sont accentués sous administration grecque.

L'antisémitisme local d'entre-deux-guerres ne peut pas être considéré comme un phénomène marginal. Des incidents tels que le pogrom et l’incendie volontaire du quartier Campbell en 1931, organisés par le groupe nationaliste paraétatique EEE (Ethniki Enosis Ellados, ou Union nationale de Grèce), démontrent bien le contraire. Ce fut la pire d’une série d’attaques dirigées contre les Juifs au cours de l’été 1931 à Thessalonique, qui avait démarré suite à une campagne menée par le journal le plus important de la ville, Makedonia, qui accusait les Juifs d’avoir soutenu l’indépendance de la Macédoine au cours d’une conférence de l’Union mondiale Maccabi à Sofia, et les considérait comme des traîtres. Cette hostilité n’avait rien de nouveau. Au cours de mes recherches sur les journaux de l’entre-deux-guerres, j’ai découvert que pas une semaine ne s’était écoulée sans que Makedonia n’ait publié de unes à caractère antisémite ! L’antisémitisme de ce journal à cette époque était terrifiant. Bien entendu, d’autres journaux, centristes ou de droite, exprimaient par moment des sentiments antisémites, mais les propos de Makedonia étaient intimidants.  

AG : Qu’entendez-vous par « unes à caractère antisémite » ? Étaient-elles directement dirigées contre les Juifs en général ou contre la communauté juive de la ville sous couvert de questions locales ?

GG : Par exemple, en temps d’élections au cours de l’entre-deux-guerres, ceux qui n'avaient pas été élus accusaient les Juifs, par l'intermédiaire des journaux qu'ils contrôlaient, de ne pas avoir voté pour eux. Cela était le fruit de l’existence d’un antisémitisme également institutionnel, matérialisé par l’adoption d’une loi portant sur la création de bureaux électoraux séparés pour les Juifs de Thessalonique uniquement   et qui ne s’appliquait pas aux Juifs d’autres villes grecques ! D’autre part, tout évènement déclencheur, tel que la publication à l’étranger d’un article critiquant quelque chose survenu à Thessalonique, se traduisait par des accusations envers les Juifs de souiller la Grèce « démocratique » et « libérale » en la qualifiant d’antisémite.

AG : Vous pensez donc que le journal Makedonia et la presse locale ont joué un rôle significatif dans la construction et le renforcement du sentiment antisémite d’une part de la société, comme par exemple, de l'EEE ?

GG : Absolument. Tout membre de l’EEE était accepté comme partenaire par les nazis durant l’Occupation, étant donné qu’ils s’inspiraient des deux idées majeures du nazisme : antisémitisme et anticommunisme. Le développement du sentiment antisémite à Thessalonique promu par les principaux organes de presse a joué un rôle prépondérant dans les proportions extrêmes qu’a pris la Shoah pour les Juifs de Thessalonique [il est estimé que plus de 90 % des Juifs de la ville ont été assassinés], en particulier si l’on compare avec le reste du pays.

« Ces conditions n’étaient pas à même d’encourager l’établissement de liens étroits entre chrétiens et Juifs, qui auraient permis aux Juifs de recevoir, au moment crucial, l’aide nécessaire à leur salut ».

Et c’est ce qui s’est en revanche passé à Athènes et à Chalcis, un an plus tard : une grande proportion de la communauté juive a été sauvée pour diverses raisons, y compris grâce la mobilisation des chrétiens. À Thessalonique, les Juifs ayant pu être cachés dans des familles font figure d’exceptions, tandis que d’autres se sont réfugiés dans la montagne, intégrant les rangs de la guérilla.

La relation entre les deux communautés était caractérisée par l’indifférence, dans le meilleur des cas. Par exemple, lorsque les nazis ont rassemblé des hommes juifs sur la place de la Liberté, officiellement pour les affecter aux travaux forcés, mais de fait pour les humilier en public, aucune réaction ne s’est faite entendre de la part de la communauté chrétienne [...] : pas une déclaration émise par les associations, pas même une protestation auprès des nazis pour le traitement réservé à leurs compatriotes.  Au contraire, des incidents ont eu lieu, mettant à jour les animosités existantes, ainsi que des comportements et des actions perpétrés contre les Juifs bien avant les nazis. Je pense notamment à l’exclusion des Juifs d'associations commerciales ou à des modifications de noms de rues portant des patronymes juifs, sur décision des autorités municipales collaboratrices de l’époque, avant le bannissement des Juifs de la ville. L’apathie de la majorité de la population chrétienne est le principal problème qui se posa alors : la population chrétienne aurait pu contribuer à sauver davantage de Juifs de la ville, et ne l’a pas fait.

AG : Après la Shoah et la fin de la guerre, l'attitude de la communauté locale et de la presse envers les Juifs avait-elle changé ? Des efforts de réconciliation, ou du moins de mémoire, ont-ils été accomplis ?

Le parcours de la mémoire de la Shoah. Crédit photographique : Antonis Gazakis

Le parcours de la mémoire de la Shoah. Crédit photographique : Antonis Gazakis

GG : Juste après la guerre, la Shoah était une source de débats, bien qu’encore dans la perspective de rejeter toute responsabilité : les nazis étaient considérés comme les seuls responsables de ce qui s’était passé, afin de couvrir la responsabilité de leurs partenaires locaux ainsi que ceux qui s’étaient enrichis. Après cela, il y a eu une période de silence et de détachement, comme cela a été le cas dans le reste de l’Europe. On ne s’y référait qu’en évoquant quelque chose qui était arrivé à certains habitants, qui n’étaient pas considérés comme appartenant réellement à la ville, et l’on estimait donc que cela ne nous concernait pas. Cet aspect a commencé à changer au cours des vingt dernières années.

AG : Il y a dans la presse athénienne des exemples d’antisémitisme prononcé, comme par exemple dans les articles du quotidien Elefteri Ora. Pouvez-vous nous dire s’il existe des exemples similaires dans la presse locale ?

GG : Il n’y a pas de presse locale à Thessalonique ces dernières années, à l’exception de Makedonia. Le silence sur cette question est davantage lié au fait que Makedonia, le principal et unique journal de la ville, ne peut pas afficher de prises de position extrêmes. D’autre part, même s’il y avait d’autres journaux dans la ville, l’attitude dominante envers les Juifs est le silence et l’opacité.

« Cependant, de nos jours, en marge des journaux, il existe une profusion de livres vendus et achetés qui contiennent des sous-entendus antisémites ou sont ouvertement antisémites ».

Et je suis bien placé pour le savoir, car je travaille dans une librairie du centre-ville. Pris séparément, ces livres peuvent être considérés comme marginaux, mais cela n’est plus possible lorsque l’on les appréhende dans leur ensemble. Malheureusement, l’antisémitisme est bien plus présent dans la littérature grecque que ce que l’on pense. C’est la même chose avec Internet, qui encourage non seulement la dissémination de connaissances, mais également celle d’aberrations, et il est facile de lire des opinions antisémites sur les sites Web d’extrême-droite ou consacrés aux théories du complot.  

AG : Existe-t-il une forme quelconque de contrepoids valable ?

GG : Elle existe, très certainement, et elle s’est développée au cours des dernières années, grâce à des personnes aussi bien grecques qu’immigrées, chrétiennes ou juives, qui produisent études, articles et ouvrages sur la présence juive à Thessalonique et la Shoah des Juifs grecs. Il semble également que l’audience est plus réceptive, à en juger non seulement par la circulation de ces écrits, mais également par la participation à nos marches, qui augmente régulièrement chaque année. Il semble aussi que de nombreux jeunes s’engagent en ligne ou au sein de groupes Facebook liés à l’histoire locale, avec un intérêt tout particulier pour l’histoire de la composante juive de la ville.

AG : Pensez-vous que ce silence sur le destin des Juifs a joué un rôle dans le développement du phénomène antisémite en Grèce ?

GG : Le silence, ainsi que le traitement inhabituel de l'histoire de l'Occupation en Grèce (nombre de ceux ayant coopéré avec les nazis étant restés impunis, voire récompensés), ont conduit à une tolérance envers les crimes nazis perpétrés dans le pays, et ont contribué au développement d’un tel phénomène fasciste. L’installation d’Aube dorée sur la scène politique grecque ces dernières années est, à mon avis, le résultat de la perception nationaliste et raciste de l’histoire qui a prévalu dans le pays après la guerre. Ce phénomène était auparavant occulté au sein des principaux partis politiques, mais après la chute du système de clientélisme, il s’est développé de manière claire et autonome.

AG : Pensez-vous alors que cela explique les scores élevés d'Aurore dorée, finalement assez proches de leur score final national, que ce soit ici, où une grande partie de la population de la ville a disparu, ou dans d’autres régions où les victimes du nazisme furent nombreuses ?

GG : Oui, après la guerre, l’attitude générale était soit d’adopter le silence, soit de considérer que ce qui s’était passé avait eu lieu ailleurs, et avait touché quelqu’un d’autre. La perception emphatique nationaliste et conservative de l'historiographie était que du moment que les Grecs chrétiens n’avaient pas été affectés, la ville ne l’avait pas été non plus. 

Mais cela a évolué, bien qu’il faille encore du temps avant que la Shoah des Juifs de Thessalonique soit considérée comme un traumatisme dans l’histoire de la ville et non comme un incident isolé.

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