LA SYNECDOQUE D'ISRAËL
Notre Guide Linguistique d’Auto-Défense Contre l’Antisémitisme se donne pour objectif d’identifier et de faire face aux manipulations en cas de propos antisémites. Tout en nous appuyant sur des exemples réels recensés par les observateurs de Get the Trolls Out, nous mettons en lumière les subtiles technique du discours antisémite, alliant rhétorique, appel à la haine et à la discrimination envers les Juifs.
Par Anna Szilagyi
Dans le cadre de discours antisémites, on trouve beaucoup de références concernant des individus connus, riches et puissants qui sont juifs ou perçus comme juifs. Ces références visent à dénigrer l’ensemble de la communauté juive et s’accompagnent de messages négatifs et/ou injurieux. Dans la même optique, les agresseurs antisémites s’adressent aux Juifs en les individualisant (« un Juif », « Le Juif »).
Dans ce but, ils utilisent des figures de style comme les synecdoques, qui leur permettent de désigner une « partie » en parlant d’un « ensemble ». Les individus ne sont pas les seuls à être associés aux Juifs dans ce type de discours haineux. En effet, pour encourager la diffusion de la haine à l’égard des Juifs les agresseurs amalgament également la communauté juive dans son ensemble avec l’Etat d’Israël.
Chaque pays peut faire l’objet de critiques concernant ses politiques intérieures ou étrangères. Cependant, dans le cas d’Israël, un Etat dans lequel la majorité de la population est juive, certaines critiques ont pour but de répandre l’antisémitisme. Allant à l’encontre de critiques constructives, des stéréotypes antisémites sont régulièrement employés en référence à l’Etat d’Israël.
Les observateurs de Get the trolls out ont dénoncé le fait que certains médias et personnalités politiques européens accusent faussement Israël de terrorisme dernièrement. Alors qu’ils parlaient d’Israël dans les discours en question, leurs propos s’adressaient en réalité aux Juifs. A l’opposé de critiques légitimes envers l’Etat d’Israël, ces fausses accusations cherchaient à appeler à la haine contre le peuple juif.
Que ce soit en Belgique, en France, en Grèce, en Hongrie ou au Royaume-Uni, ces fausses accusations ont évoqué le stéréotype antisémite de la théorie conspirationniste mondiale des Juifs :
Le 15 novembre 2015, le blog nationaliste grec AnemosAnatropis.blogspot a publié un article avec la question suivante : « Qu’est-ce qui est si difficile à comprendre après tout ? Que l’Etat sioniste dirige l’Etat islamique ? »
Le lendemain des attentats suicides de Belgique, un activiste du parti travailliste britannique a déclaré sur Facebook : « Combien d’attentats doivent encore avoir lieu avant que l’on comprenne enfin que l’EI est dirigé par Israël ? »
Les théories du complot antisémites relevées par les observateurs de Get the trolls out étaient souvent accompagnées par des stéréotypes anti-juifs :
Le 16 novembre dernier, lors d’un comité de conseil citoyen en Hongrie, le représentant du parti au pouvoir, le Fidesz, et le maire de la ville de Szentgotthárd ont déclaré, en réaction aux attentats de Paris : « Ce qu’il s’est passé à Paris, c’est la preuve que certains milieux d’affaires et, j’ose le dire, certains milieux d’affaires soutenus par l’Etat d’Israël, essayent de monter l’Europe chrétienne contre l’islam ». Cette affirmation du maire hongrois, en plus de contenir une accusation de complot de la part des Juifs, fait également référence aux stéréotypes antisémites de la cruauté juive et de l’esprit d’entreprise de la communauté.
En France, le blog Blancheeurope.com a soutenu qu’un « rabbin d’Israël avait déclaré que les attentats de Paris étaient une revanche de la Shoah ». Cette fausse information renforce deux stéréotypes antisémites ; celui de la conspiration mondiale des Juifs et celui de leur soif de revanche.
Le 20 décembre 2015, Laurent Louis, ancien membre du parlement belge, a posté le message suivant sur Facebook : « Plus Daesh coupe de têtes et plus Israël étend son emprise sur la région. Daesh roule pour Israël et ses alliés sionistes ». Dans ce poste Facebook, en dehors de la théorie du complot juif, la référence faite à Israël évoque également le mythe antisémite de la soif de sang du peuple juif, répandu depuis le Moyen-Age.
En faisant référence à l’Etat d’Israël pour désigner le peuple juif, les agresseurs antisémites peuvent à la fois légitimer et nier leur antisémitisme en prétendant parler uniquement d’Israël et non de la communauté juive. Il est donc crucial de savoir distinguer une critique faite à l’égard de l’Etat d’Israël d’une représentation antisémite du pays.