MANIPULER LES DROITS DE L'HOMME
Notre Guide Linguistique d’Auto-Défense Contre l’Antisémitisme se donne pour objectif d’identifier et de faire face aux manipulations en cas de propos antisémites. Tout en nous appuyant sur des exemples réels recensés par les observateurs de Get the Trolls Out, nous mettons en lumière les subtiles technique du discours antisémite, alliant rhétorique, appel à la haine et à la discrimination envers les Juifs.
Par Anna Szilagyi
Dans le cadre de discours antisémites, il n’est pas rare que les valeurs associées aux droits de l’homme soient employées à des fins de manipulation. Les personnes cherchant à répandre des messages haineux envers les Juifs détournent systématiquement les propos des institutions et des individus œuvrant pour la défense et le respect des droits de l’homme. De cette manière, elles cherchent à donner l’impression que les Juifs portent atteinte aux libertés fondamentales des non-Juifs. Cette technique, dans laquelle les agresseurs antisémites se font passer pour les victimes, leur sert à légitimer l’antisémitisme.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les différents génocides – celui des Juifs, mais aussi des Roms, des personnes handicapées, homosexuelles et des prisonniers politiques – perpétrés par les nazis et leurs collaborateurs ont placé les droits de l’homme sur le devant de la scène politique mondiale. La déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) est adoptée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies. Cependant, certains de ses principes fondateurs ont par la suite été détournés dans des discours antisémites à des fins de manipulation.
D’après les observateurs de Get the Trolls Out, les discours antisémites récents s’appuient fréquemment sur cette méthode rhétorique associant les Juifs à la violation des droits de l’homme. Les Juifs sont par exemple souvent accusés de priver les non-Juifs de leur liberté d’expression et d’opinion. Cette forme de manipulation s’inspire d’un stéréotype antisémite répandu, selon lequel les Juifs domineraient les médias et les utiliseraient à des fins de manipulation.
Ce stéréotype a d’ailleurs été repris dans un post récent d’un internaute francophone sur Facebook stipulant que « Dans une démocratie, l’information doit être plurielle et circuler librement. Mais en réalité, les Juifs possèdent les médias les plus importants, ce qui est, à peu de chose près, valable dans tous les domaines ». Selon l’internaute, les Juifs bafoueraient les droits de l’homme : ils nuiraient aux valeurs de la démocratie et de la liberté d’expression en France.
Le stéréotype de la domination médiatique du peuple juif apparaît régulièrement sous de nouvelles formes, ce qui montre que les stéréotypes antisémites sont encore omniprésents. Avec l’émergence d’internet, l’accusation de la domination antisémite s’est étendue au contrôle de certains services clés de la toile. En novembre 2015, on pouvait par exemple lire dans le blog français « blanche Europe » que l’encyclopédie en ligne Wikipédia « est éditée par les Juifs dans le but de promouvoir leurs intérêts communs ». Plus loin dans le blog il est question des « Juifs de Google » qui « censurent l’information ».
Les discours antisémites sont généralement accompagnés de réclamations concernant le rétablissement de la liberté d’expression, ce qui présente ceux qui les prononcent comme des victimes privées d’un droit fondamental. En faisant référence à la « liberté d’expression », ils prônent en fait la « liberté d’inciter à la haine ». Ce procédé rhétorique consiste à inverser les rôles entre les victimes et les agresseurs. Ces derniers dénoncent par ailleurs le fait que s’ils ont des propos injurieux ou s’ils nient l’existence ou minimisent l’impact de la Shoah, ils seront immédiatement qualifiés de racistes ou d’antisémites.
A la suite des propos tenus dans le poste Facebook francophone mentionné plus haut, se trouvait la fausse accusation suivante : « Selon la vision du monde du peuple juif, le goy (goyim au pluriel) est une personne qui n’est pas juive. On la considère comme une bête. Si l’on en croit le Talmud lui-même, le texte sacré le plus influent du judaïsme, même un chien est plus important que le goy. Sa seule vocation est de servir son maître juif sans jamais se plaindre. Sinon, il est considéré comme un « raciste », un « antisémite », et les Juifs mettront tout en œuvre pour lui en faire subir les conséquences ».
Dans les discours antisémites, les agresseurs font mauvais usage de la liberté d’expression et d’opinion au profit de la discrimination et des injures. Ne vous laissez pas tromper par les apparences.