MINIMISATION ET DÉNI DE LA SHOAH

Notre Guide Linguistique d’Auto-Défense Contre l’Antisémitisme se donne pour objectif d’identifier et de faire face aux manipulations en cas de propos antisémites. Tout en nous appuyant sur des exemples réels recensés par les observateurs de Get the Trolls Out, nous mettons en lumière les subtiles technique du discours antisémite, alliant rhétorique, appel à la haine et à la discrimination envers les Juifs. 

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Par Anna Szilagyi

Même si le génocide de 6 millions de Juifs par l’Allemagne nazie et ses collaborateurs est historiquement prouvé, les discours antisémites ont régulièrement tendance à renier ou à minimiser la Shoah1. 

1. La technique que l’on retrouve le plus fréquemment dans les discours antisémites pour minimiser l’importance du génocide des Juifs consiste à le dénigrer en utilisant un vocabulaire inapproprié et informel. On peut citer l’exemple du parti travailliste britannique qui, en mars dernier, a suspendu l’un de ses membres pour avoir publié des articles antisémites sur internet. Le politicien a, entre autres, émis des doutes quant à l’importance de l’extermination des 6 millions de Juifs. Il a par ailleurs remis en question la « culpabilisation concernant la Shoah ». Le registre de langue qu’il a employé en anglais indique son indifférence envers le génocide. Il a employé l’expression « Guilt tripping », une manière informelle de traduire « faire culpabiliser » en anglais que l’on utilise généralement en parlant d’amis ou de proches. L’emploi de cette expression dans le contexte d’un génocide, l’extermination systématique de millions de personnes, est extrêmement injurieux et inapproprié.

2. Il est possible de faire référence à la Shoah en tant qu’exemple pour expliquer ce qu’est un génocide, un acte « commis avec l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Cependant dans certains cas, les comparaisons avec l’Holocauste peuvent servir à des fins différentes : minimiser l’importance d’un crime qui a fait 6 millions de victimes dans le peuple juif. Au Royaume-Uni par exemple, lors d’une émission de radio de la BBC, un auditeur a déclaré : « il y a eu beaucoup d’Holocaustes… » en faisant référence au génocide des Juifs au pluriel (« Holocaustes »), dans le but de minimiser le crime.

3. On trouve également ce que l’on pourrait appeler un détournement de génocide, une manière de dénigrer l’Holocauste consistant pour les agresseurs antisémites à se faire passer pour les victimes. Les Juifs qui ont été victimes du génocide sont alors faussement accusés de crime contre l’humanité. Alors que près de 50 000 Juifs grecs ont été exterminés dans des camps de concentration nazis, en janvier dernier, le journal grec d’extrême gauche Eleftheri Ora a qualifié un évènement historique - la rébellion de la diaspora juive dans l’empire romain, lors de laquelle de nombreux Romains et Grecs ont péri – de génocide. A des fins de manipulation, le journal a titré en première page « le grand massacre des Grecs par les Juifs ». 

4. Une autre manière pour les agresseurs antisémites de donner le mauvais rôle aux Juifs consiste à donner l’impression que les discussions à propos de l’Holocauste oppressent la population. L’ancien maire de Bradford a par exemple retweeté une image sur laquelle était écrit : « Votre système scolaire vous parle seulement d’Anne Frank et des 6 millions de sionistes qu’Hitler a tués… ». Le tweet évoque des stéréotypes antisémites selon lesquels les Juifs constitueraient un peuple privilégié et manipulateur. Ce sont ainsi les étudiants à qui l’on enseigne l’Holocauste en cours d’histoire qui sont perçus comme des victimes à la place des 6 millions de Juifs (identifiés comme des « sionistes » dans le tweet) exterminés dans les camps de concentration. Ce procédé de manipulation banalise l’Holocauste.

5. Lorsque les actes de personnalités politiques d’extrême droite fascistes et nazies des années 1920, 1930 et 1940 sont décrits exclusivement de manière positive, sans nécessairement mentionner l’Holocauste, cela constitue une forme implicite de banalisation du génocide. Ce type de propos insinue souvent que l’extermination massive du peuple juif n’importe peu – voire même pas du tout. Un membre du parti d’extrême droite hongrois a par exemple décrit Gyula Gömbös – leader d’une association hongroise extrémiste antisémite dans les années 1920 et premier ministre de Hongrie entre 1932 et 1936 – comme un « homme d’Etat » dans un post sur Facebook. Mort en 1936, Gyula Gömbös, a joué un rôle politique clé dans la diffusion de l’antisémitisme en Hongrie les années précédant l’Holocauste. En parlant de lui comme d’un « homme d’Etat », le politique omet de mentionner son passé trouble et minimise ainsi l’ampleur du génocide. 

Alors que les exemples que nous venons de citer banalisent l’importance de l’extermination du peuple juif, nous avons également recensé des cas de déni de l’Holocauste. Les propos sont généralement exagérés et caractérisés par l’emploi de superlatifs. Nous en avons relevé deux exemples : 

  1. Au Royaume-Uni, un internaute a déclaré sur Twitter : « Personne n’est en mesure de nous prouver, ni à Auschwitz ni ailleurs, l’existence de l’un de ces abattoirs chimiques ». Cette personne cherche à démentir l’existence de l’Holocauste. Les deux pronoms indéfinis (« personne » et « ailleurs ») ont pour but de renforcer cette idée. Le tweet insinue que la réalité historique des chambres à gaz utilisées par les nazis dans les camps de concentration pour exterminer les Juifs est un mensonge. Les pronoms affirment à tort le fait que personne n’a jamais vu de chambres à gaz. 

  2. En Belgique, un militant politique a fait remis en question à « de fausses chambres à gaz construites en 1946 à Hollywood avec l’accord de Steven Spielberg ». Dans cette déclaration, il nie 4 fois l’existence de l’Holocauste. En parlant de « fausses chambres à gaz », l’auteur insinue que leur existence est un mensonge élaboré à des fins de manipulation. La date « 1946 » implique que les chambres à gaz auraient été créés après la Seconde Guerre Mondiale et qu’elles n’existaient pas avant. Enfin, les références à Hollywood et à Steven Spielberg suggèrent que les chambres à gaz appartiennent à la fiction et non à des faits historiques réels. 

De nombreux outils rhétoriques sont utilisés dans le but de minimiser ou de contester l’existence du génocide de 6 millions de Juifs. Ces outils injurieux contribuent à la diffusion de fausses informations et de la haine. 

1” « Parce que le sens premier du mot Holocauste est « offrande sacrificielle », son emploi est contesté. Le génocide des Juifs n’était pas une offrande. Ainsi, en Israël et dans les pays francophones, on parlera plutôt de la Shoah. Dérivé de l’hébreu et signifiant « anéantissement » ou « catastrophe », le mot « Shoah » était déjà utilisé pendant la guerre pour faire référence à l’extermination du peuple juif par les nazis en Pologne. » (Overcoming Antisemitism - Handbook for Educators - CEJI 2012).

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